Les liens entre le bien-être et la vie de famille font l’objet de débats dans la communauté scientifique. Avec l’aide des données tirées de l’ESS8, Mare Ainsaar montre que le statut matrimonial joue un rôle dans le bien-être, même si ce rôle est plus ou moins important en fonction du pays et de la classe sociale. Quant aux enfants, le supplément en terme de bien-être qu’ils procurent semblerait surtout lié aux politiques d’aide familiale mises en place au niveau national.
Même si le mariage et les enfants demeurent une composante essentielle de la vie de famille en Europe, la part de mariages dans la population diminue, tandis que celle des personnes vivant en concubinage et des personnes sans enfant augmente à travers le continent. La recherche existante n’a pas montré de lien clair entre le fait d’avoir des enfants et le bien-être des parents, et l’on en sait encore moins sur l’influence des différentes situations maritales sur le bien-être.
Mare Ainsaar a utilisé, pour analyser les différences en termes de bien-être, les données de l’Enquête sociale européenne (édition 5 – 2010/2011) pour les personnes ayant entre 20 et 60 ans. A cet âge-là les répondants sont plus susceptibles d’avoir des enfants vivant au sein du ménage. Son article s’est attaché à comparer le bien-être de différents types familiaux pendant la crise économique de 2010. La récession économique est un moment particulièrement intéressant pour l’étude du bien-être, parce que les données manquent sur l’étude de cet indice pendant les périodes difficiles.
L’enquête montre qu’en Europe une grande majorité de personnes entre 20 et 60 ans vivent en couple, qu’ils soient mariés ou en union libre. Le concubinage est plus populaire dans les pays nordiques (Suède, Norvège, Estonie…) et moins dans les pays catholiques. On remarque aussi des différences importantes dans la part de ménages comptant des enfants. Cette diversité est le résultat de plusieurs facteurs, parmi lesquels la fertilité, l’âge à la naissance, l’émancipation des enfants par rapport à leurs parents, ainsi que les taux de mariage ou de divorce. Ces différents facteurs font que certains pays (Norvège, Pays-Bas, Suède, Danemark et France) comptent beaucoup d’enfants par ménage, et d’autres moins.

Figure 1 : Pays de l’Enquête sociale européenne répartis en fonction du pourcentage de personnes avec des enfants vivant dans le foyer et du pourcentage de personnes vivant en couple
Les résultats de l’analyse du bien-être montrent que, même si la diversité des situations familiales s’accroît en Europe, les couples mariés avec des enfants ont toujours une longueur d’avance en termes de bien-être. Par exemple, on remarque un effet positif significatif du fait de vivre en couple, que ce soit en étant marié ou en union libre. Cependant, en prenant en compte le fait que les personnes en union libre sont généralement dotées de caractéristiques sociologiques plus propices au bien-être, le mariage « officiel » semble être une source de bien-être plus importante que le concubinage en Europe.
Les effets des enfants sur le bien-être semblent dépendre des ressources économiques et des prestations sociales dont disposent les répondants. Malgré l’hypothèse voulant que les enfants aient une forte valeur pour leurs parents et qu’ils aient de ce fait une influence positive sur le bien-être, les résultats ne démontrent pas de relation significative entre les deux variables. La présence d’enfants au sein du foyer semble n’influer positivement sur le bien-être que pour les couples « officiellement » mariés. Mare Ainsaar a aussi remarqué que les allocations familiales versées par le gouvernement avaient une influence positive sur le bien-être des ménages. Dans les pays où les dépenses pour les enfants sont plus importantes le différentiel de satisfaction entre répondants avec et sans enfants est aussi plus important. Il faut enfin noter que le mariage sans enfant peut diminuer le bien-être dans certains pays.

Figure 2 : Pays de l’Enquête sociale européenne répartis en fonction de la différence entre le bien-être des familles avec enfants et sans enfant et de la part du PIB dédiée aux prestations familiales
Source: Ainsaar Mare, « Well being in married and cohabiting families with children and social support during economic recession in Europe », in : Breen, M.J. (dir.),Understanding Values and Identity in Europe, Evidence from the European Social Survey.