Paul Pennings (2017) When and where did the great recession erode the support of democracy?
Paul Pennings (Vrije Universiteit Amsterdam), en utilisant les indices de satisfaction de l’ESS quant au système politique, montre que le degré de résistance des sociétés aux crises économiques affecte le soutien populaire à la démocratie. Les régions d’Europe n’ont en effet pas connu les mêmes fortunes lors de la récession, et ces différences, loin de se cantonner à la sphère économique, ont eu une influence notable sur le degré d’adhésion au système démocratique et sur l’évolution de ce dernier. Les conséquences de ce déséquilibre continuent, dix ans plus tard, de se faire sentir…
Cette étude, qui est basée sur des données ESS issues de vagues cumulées, cherche à vérifier les deux assertions. Elle montre que la crise n’a pas mené à une crise de la légitimité des démocraties européennes, et que le soutien, au moins diffus, à la démocratie, reste très élevé dans la plupart des régions. Cependant, dans certains pays où la crise économique a été plus dure, comme dans de larges tronçons de l’Europe du Sud, le soutien à la démocratie a été fortement touché. Ce résultat est une forme d’équilibre entre les deux positions ayant cours dans le débat académique sur le soutien à la démocratie.
Ces perspectives sur l’augmentation ou la diminution du soutien et de la satisfaction quant au système démocratique doivent être nuancées par des considérations sur les différences régionales. Une large part de la recherche existante considère l’Europe comme un tout uniforme, qui verrait son niveau de soutien à la démocratie augmenter ou diminuer. Mais notre enquête montre que la réponse des citoyens à la crise a été influencée par les perspectives économiques liées à leur région. Les régions sont ici comprises comme des « familles de nations » qui partagent une histoire, une culture, un type d’Etat providence, certaines relations entre l’Etat et la société, et un niveau de développement socio-économique. Ce contexte participe à la formation des attentes des citoyens quant à l’évolution de leurs revenus comme de la situation socio-économique du pays, et il a une grande influence sur la réponse des citoyens à la crise.
Le niveau et les évolutions en termes d’insatisfaction quant à la démocratie par région sont présentés dans les tableaux 1 et 2. En Europe du Sud, qui a été plus sévèrement touchée par la crise, Paul Pennings a remarqué une augmentation significative du nombre de citoyens se déclarant insatisfaits quant à l’état de la démocratie. Les pays d’Europe libérale (Grande Bretagne et Irlande) ont suivi une évolution similaire, mais à un degré moindre. En Europe de l’Est, le niveau d’insatisfaction quant à la démocratie est comparable à celui que l’on trouve en Europe du Sud (à cause de la forte défiance envers les politiques), mais il n’a pas connu d’augmentation notable du fait de la crise. En Europe du Nord (Scandinavie), l’insatisfaction n’a pas augmenté du tout.

Table 1. Pourcentage de citoyens se déclarant insatisfaits ou défiants par rapport à cinq indicateurs liés au soutien à la démocratie.
Source: ESS 2012.

Table 2. Evolution du pourcentage de citoyens qui se déclarent insatisfaits ou défiants par rapport à quatre indicateurs d’insatisfaction et de défiance avant et pendant la crise.
Source: ESS cumulative file, 2002-2014. Les nombres montrent les différences entre le niveau d’insatisfaction pendant la crise (2008-2014) et avant la crise (2002-2007). Un score positif signifie une augmentation du niveau de defiance ou d’insatisfaction.
Ces variations montrent que la sévérité de la crise économique et financière a eu un impact différent en fonction de la région sur le soutien à la démocratie. Les implications sociales de ces résultats sont que les citoyens de différentes régions européennes, du fait des contextes socio-économiques dans lesquels ils sont insérés, réagissent différemment à ce que l’Union européenne peut leur apporter. Ces différences régionales peuvent porter atteinte au processus d’intégration européenne parce qu’ils aggravent des clivages économiques et culturels déjà bien présents en Europe.
Source: Paul Pennings (2017) When and where did the great recession erode the support of democracy? Zeitschrift für Vergleichende Politikwissenschaft 11 (1): 81–103.
Pays dans chacune des régions d’Europe :
- Europe nordique: Danemark, Finlande, Norvège, Suède
- Europe libérale: Irlande, Royaume-Uni
- Europe continentale: Allemagne, France, Belgique, France, Pays-Bas, Suisse
- Europe du sud : Espagne, Italie, Portugal
- Europe de l’est : Bulgarie, Estonie, Hongrie, Lituanie, Pologne, République tchèque, Slovénie
