La qualité de vie au sein d’un pays est bien représentée par un indicateur appelé le bien-être subjectif (SWB). Avec cette étude, Andreas Hadjar et Robin Samuel ont cherché à évaluer l’influence du régime d’Etat Providence dans le niveau de bien-être subjectif des habitants d’un pays. Le niveau de bien-être subjectif est plus homogène dans les pays à Etat-providence social-démocrate. Au contraire, les régimes post-socialistes ou libéraux semblent favoriser des écarts en termes de bien-être plus importants. Cette analyse est basée sur les données de l’ESS récoltées dans 34 pays.
Le bien-être subjectif renvoie à la manière dont les « individus évaluent leur vie – à la fois à un moment donné et sur une période plus longue » (Diener et al. 1999 : 277). Il est associé à des variables individuelles comme le statut social. Ce statut est un sujet majeur de recherche en sociologie des inégalités, et renvoie à des facteurs aussi divers que le revenu, le chômage, les relations amoureuses, les réseaux amicaux et professionnels (le capital social) ou encore la santé. De plus, le bien-être est affecté par des facteurs macro-sociologiques tels que la prospérité économique ou encore le régime d’Etat providence. En reprenant la typologie d’Esping-Andersen (1990, 1999) concernant les différents régime d’Etat Providence, les auteurs ont cherché à évaluer quel régime garantissait les meilleures conditions de vie pour tous, et constituait la meilleure manière de réduire l’effet des inégalités des conditions de vie ou de statut sur le bien-être.
Les résultats montrent que le statut social est associé de manière positive au bien-être subjectif, en neutralisant l’effet d’indicateurs individuels importants comme l’éducation, l’âge et la santé. L’analyse multivariée (régression avec différents groupes de variables) a de plus révélé que le statut n’était pas directement lié au bien-être subjectif, mais que le régime d’Etat Providence modulait l’association entre les deux. D’après ces résultats, l’Etat providence social-démocrate est associé au plus haut niveau de bien-être subjectif. Cependant, le régime conservateur n’est pas son complet opposé. Cela peut être dû au fait que les régimes d’Etat providence conservateurs bénéficient toujours de mesures sociales assez fortes qui permettent de garantir des conditions de vie décentes à l’ensemble de la population. Enfin, ces résultats indiquent que le lien entre statut et bien-être subjectif est assez faible dans les pays avec un régime d’Etat Providence social-démocrate, mais qu’il est beaucoup plus fort dans les pays à régimes conservateur, libéral, familial ou post-socialiste (en neutralisant l’effet du PIB et de l’inégalité des revenus).
En conclusion, cette enquête montre que les régimes d’Etat providence sociaux-démocrates semblent mieux réussir à garantir un standard de vie décent à tous, en compensant les inégalités les plus aiguës en termes de bien-être subjectif.

Graphique 1 : Le bien-être subjectif en fonction du statut social, pour chaque type de régime d’Etat providence
Bibliographie :
Diener, E., Suh, E. M., Lucas, R., & Smith, H. L. (1999). Subjective well-being: three decades of progress. Psychological Bulletin, 125, 276–302.
Esping-Andersen, G. (1990). The three worlds of welfare capitalism. Cambridge: Polity Press.
Esping-Andersen, G. (1999). Social foundations of postindustrial economies. Oxford: Oxford University Press.
Samuel, R., & Hadjar, A. (2016). How Welfare-State Regimes Shape Subjective Well-Being Across Europe. Social Indicators Research 129 (2), 565–87.
*Etat-Providence :
Conservateur : Allemagne, Autriche, Belgique, France, Allemagne, Israël, Luxembourg et Pays-Bas ;
Social-démocrate: Danemark, Finlande, Islande, Norvège et Suède ;
Familial : Chypre, Grèce, Irlande, Italie, Portugal, Espagne et Turquie ;
Libéral: Grande-Bretagne et Suisse ;
Post-socialiste: République tchèque, Albanie, Bulgarie, Croatie, Estonie, Hongrie, Hongrie, Kosovo, Lituanie, Pologne, Russie, Slovénie, Slovaquie et Ukraine.
