L’Europe des célibataires : quelques déterminants sociaux du célibat de longue durée

Dans un article de 2017, Daniela Bellani, Gøsta Esping-Andersen et Lesia Nedoluzhko ont étudié les déterminants sociaux du célibat de longue durée en Europe, de 2002 à 2014. Les données de l’Enquête sociale européenne de 2016 permettent d’actualiser et de prolonger leurs analyses.

Quelques résultats tirés des éditions précédentes

Le célibat de longue durée est défini par ces auteur.e.s comme le fait de n’avoir jamais vécu en couple avec une autre personne à l’âge de quarante ans. A l’aide d’un fichier agrégé des enquêtes sociales européennes de 2002 à 2014, les auteur.e.s montrent que ce phénomène demeure rare (environ 5% des Européen.ne.s de 40 à 55 ans se trouveraient dans cette situation) et surtout qu’il n’est pas uniformément réparti dans la population.

Le célibat de longue durée semble toucher plus particulièrement les pays d’Europe du Sud et les pays Anglo-Saxons. Les hommes y sont en général plus exposés. Le niveau d’éducation semble également exercer une influence, différente selon le genre : tandis que les hommes qui ont un faible niveau d’études sont particulièrement exposés au célibat de longue durée, les femmes ayant eu accès à des études supérieures sont comparativement plus nombreuses que les autres dans cette situation !

Des observations toujours vérifiées

Les données de l’Enquête sociale européenne de 2016 corroborent les résultats des chercheuses. Le genre et le niveau d’éducation conservent leur influence, dans des proportions similaires. De même, l’Europe du Sud reste fortement touchée.

Et en France ?

La France se trouve dans la moyenne des pays européens concernant le célibat de longue durée. Le tableau ci-dessous montre une concordance entre les données européennes et françaises en termes de prédominance du célibat de longue durée chez les hommes.

Genre Célibat de longue durée
(année 2016)
Célibat de longue durée
(période 2002-2016)
Homme 7,4% 4,4%
Femme 3,1% 2,3%
Tableau 1 : Part de célibataire de longue durée chez les hommes et les femmes en France

De même, pour ce qui est du niveau d’éducation, on retrouve la tendance européenne : plus une personne a suivi de longues études, moins elle est susceptible de se trouver en situation de célibat de longue durée. Cet effet est d’autant plus fort chez les hommes, et s’atténue (pour s’inverser à partir du supérieur) chez les femmes.

Niveau d’éducation Célibat de longue durée
(total, 2016)
Célibat de longue durée
(total, 2002-2016)
Célibat de longue durée
(hommes, 2002-2016)
Célibat de longue durée
(femmes, 2002-2016)
Collège et en dessous 3,4% 4,8% 7,1% 3,3%
Lycée 6,5% 3,2% 4,6% 1,9%
Education supérieure 2,6% 2,3% 2,4% 2,2%
Tableau 2 : Part de célibataire de longue durée chez les hommes et les femmes en France, en fonction du niveau de diplôme

Les Français.e.s sont donc comparables aux autres Européen.ne.s en termes de célibat de longue durée. Les chercheuses et chercheur ont montré que la fluidité grandissante des normes de genre pourrait avoir un impact sur le taux de célibat : si les normes de genre sont encore traditionnelles, le célibat serait moins répandu, puis son taux augmenterait avec leur progressive émancipation, jusqu’à diminuer à nouveau avec l’acceptation générale de l’égalité des genres. Les changements affectant la condition et les perspectives des femmes semblent donc encore en cours dans l’Hexagone.

Pour conclure de manière plus satisfaisante, il faudrait comme le précisent les chercheuses et chercheur effectuer des recherches complémentaires en utilisant des séries temporelles plus longues. On pourrait de même s’interroger sur des sources complémentaires, peut-être plus à même de cerner plus finement la notion de célibat de longue durée.